Un homme traverse sa vie comme un fantôme. Il a tué la femme qu’il aimait et voit désormais sa présence partout : dans l’ombre d’un cimetière, dans un air d’opéra, dans les yeux d’une belle inconnue, etc. Est-il victime d’hallucinations ou au contraire trop lucide, d’une lucidité telle qu’il voit non seulement le fond de son âme mais aussi celle des autres ? On sait que le sentiment de culpabilité peut se passer d’acte coupable. Mais comment se croire innocent quand on est sans cesse filé par une détective qui se fait passer pour une infirmière aux charmes appuyés ?

Par le biais de son personnage halluciné et torturé par la mauvaise conscience, Klabund passe en revue les tares du monde et d’une époque qui ne va pas tarder à accoucher du national-socialisme : pseudo-marxistes, scientistes invétérés, industriels cyniques et dictateur voulant à tout prix faire le bonheur du monde par la taylorisation des sentiments. Cette critique sans dogmatisme brasse les images qui, mêlant l’ombre et la lumière, l’horreur et le ravissement, soulignent la recherche effrénée et chaotique de soi, la recherche du sens mais aussi la recherche du salut dans la femme, à la fois réserve de tendresse et promesse d’anéantissement. Entre ciel et terre, Klabund nous entraîne dans un thriller métaphysique, reflet de notre monde en quête d’idoles et avides de tromperies plus commodes que les vraies questions.