Il n’est pas de terme plus paradoxal que celui de « mémoire ». Son ambiguïté se signale d’emblée dès qu’on se propose de lui attribuer un genre. Au féminin, une mémoire que les psychologues ont coutume d’étudier n’est pas une « faculté de l’esprit » mais un ensemble de mécanismes séparés par un intervalle de temps assez variable où s’opèrent tous les jeux d’acquisition, d’apprentissage et de rétention ; d’association et de répétition ; de raturage et d’oubli ; d’hystérie et de névrose. La mémoire est le centre d’une organisation et d’une association de séquences diverses constituées de figures, de faits, de symboles, de mots, de chiffres et des lettres. C’est ici que la mémoire entretient un lien étroit avec son second sens. Au masculin, un mémoire est un espace d’écriture ou toute inscription littéraire (poésie, roman, autobiographie, journal, récit de vie, récit historique, relation de voyage, essai littéraire ou philosophique) qui s’impose à la lecture comme le résultat d’un parcours, d’une analyse ou d’une étude. La tension qui s’opère (et qui opère) entre ces deux sens constitue l’essentiel des analyses proposées tout au long de cet ouvrage.
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